Jean-Claude Carrière : « mon Paris bohème et canaille »

Paris de ma fenêtre est un essai écrit par Colette. C’est aujourd’hui une nouvelle rubrique du magazine Paris, de Lutèce à nos jours. À chaque numéro, une personnalité du monde des arts, de la culture ou des médias, décrira le Paris qu’elle aime vu de sa fenêtre… Pour ouvrir le ban (parisien), Jean-Claude Carrière, auteur, scénariste de théâtre et de cinéma, romancier, homme-orchestre et surtout amoureux du 9e arrondissement au pied de la Butte Montmartre où il possède un splendide hôtel particulier depuis près de quarante ans… La mémoire d’un quartier !
Par François Viot

Une fois la rue des Martyrs gravie, à gauche, la rue Victor Massé, au pied de la butte Montmartre, offre un repos salvateur. Percée en 1797, c’est une rue bourgeoise avec ses immeubles construits à la fin du XIXe siècle. Hier, quartier campagnard décrit par un des grands historiens de Paris, Jacques Hillairet, « avec bals et tonnelles fréquentés en semaine par les soldats et les filles en 1767. On se plaignait des dégâts considérables que celles-ci commettaient dans les blés et les seigles où, prenant les sillons pour des alcôves, elles se couchaient avec des soldats, des vagabonds ou autres libertins. » Y fleurissent au XVIIIe siècle des « folies », « petits hôtels particuliers entourés de vastes jardins pour abriter des amours illicites » subodore une amoureuse du quartier, Maryse Goldemberg. C’est le Paris bohême et canaille. Paris des contrastes : c’est aussi le quartier des affaires. Les théâtres y côtoient banques et assurances (les grands magasins ne sont pas loin)…

Foyer du romantisme et du surréalisme, berceau du cubisme et haut lieu des plaisirs charnels au XIXe siècle. Ce « quartier béni des Dieux de l’Île-de-France » selon Léon-Paul Fargue a été le refuge des poètes, des peintres et des musiciens. Degas, Delacroix, Cézanne et Toulouse-Lautrec y ont vécu, Victor Hugo et Maurice Ravel y ont trouvé l’inspiration, Erik Satie et Claude Debussy ont tenu le piano du célèbre café-concert Le Chat Noir où se produisaient artistes, poètes et chansonniers. « Le tout Paris se pressait chez Salis [son propriétaire]. Le Chat Noir était devenu le centre de la vie culturelle parisienne » témoigne Thierry Cazaux, auteur d’un livre sur les lieux. Ce célèbre café littéraire au décor extravaguant se situait rue Victor Massé au no 12. Chaque numéro de cette rue raconte l’histoire de ces célèbres occupants passés et présents : Stefan Sweig et Guillaume Apollinaire y ont habité. Nous sommes à la recherche de l’antre de Jean-Claude Carrière.

Au début de la rue, une grande porte cochère, une fois la lourde porte poussée, un havre de paix et de verdure s’offre au visiteur. Au fond d’une cour, cachée par de grands arbres, on devine une maison blanche de 500 m2 sur trois niveaux. On sonne à la porte, une voix retentit : « Entrez ! » C’est le maître des lieux, Jean-Claude Carrière. D’allure décontractée en basket rouge, il donne l’illusion d’un jeune homme vert à quatre-vingt-deux ans. Et on l’imagine sans peine en 1976 poussant la même porte cochère et tombant amoureux de cette grande maison où il a posé son sac de voyage. […]

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