1915: la nécessité d’un commandement interallié

Lorsque la Grande Guerre débute en août 1914, deux grandes alliances sont en lutte, mais il ne s’agit encore que de la juxtaposition d’armées indépendantes, et l’on se souvient des consignes d’indépendance reçues avant son départ pour la France par lord French, auquel Kitchener promet qu’il ne sera jamais placé sous les ordres d’un général français. Il n’était d’ailleurs absolument pas acquis que le Royaume-Uni entrerait en guerre aux côtés de la France et Paul Cambon, ambassadeur à Londres, affirmera plus tard que le 2 août 1914 fut le pire jour de sa vie, puisqu’il était dans l’ignorance totale de la décision qui serait finalement prise par le gouvernement anglais.
Par le Lcl Rémy Porte, docteur HDR en histoire

Pendant que Joffre s’efforce, à l’automne 1914, de créer les conditions d’une coordination plus étroite entre les commandements français, britannique et même belge, le gouvernement poursuit son action diplomatique pour rallier à la cause des Alliés les puissances neutres. Au plan militaire, la première manifestation de cette volonté du commandant en chef français est la nomination de Foch comme son représentant, ad latus, au nord du front, avec pour mission explicite d’assurer la plus étroite entente possible sur le terrain entre les trois alliés occidentaux. Mais on trouve aussi la marque de sa nécessité dans les grandes offensives d’Artois et de Champagne à l’automne suivant, en grande partie justifiées par l’obligation d’aider indirectement l’allié russe en difficulté. Dans l’urgence face aux offensives allemandes sur l’Yser en particulier, Foch noue avec les responsables anglais et belges des relations de relative confiance, qui lui seront d’ailleurs fort utiles lorsqu’il sera effectivement nommé commandant en chef interallié sur le front occidental en 1918, mais la coordination ne dépasse pas ce stade.

La délicate question de l’Italie
Dans le domaine diplomatique, les négociations avec l’Italie et les royaumes balkaniques occupent toute l’année 1915. S’il a pu obtenir l’adhésion de l’Italie au printemps, Delcassé, ministre des Affaires étrangères, préfère démissionner le 13 octobre en raison de l’entrée en guerre de la Bulgarie aux côtés de l’Allemagne et de la décision de lancer l’expédition de Salonique, à laquelle il était hostile sans la participation active des Britanniques et des Grecs. L’entrée en guerre de l’Italie est saluée en France comme un brillant succès diplomatique, mais aussi comme l’annonce d’une prochaine victoire contre les Empires centraux. Toutefois, la deuxième grande nation occidentale dans le camp allié après l’Angleterre déçoit rapidement. L’armée italienne peine à monter en puissance, manque d’équipements lourds et rencontre des échecs successifs sur le front de l’Isonzo. Quelques mois plus tard, elle compte finalement assez peu aux yeux de G.Q.G. français, qui ne lui accorde qu’une confiance limitée. Le difficile arrêt de la Stafexpedition autrichienne sur le plateau des Sept Communes au printemps 1916 achève de convaincre Joffre et ses pairs que le front italien doit rester un front secondaire, d’autant que la coopération politique avec le gouvernement de Rome est délicate au regard des questions orientales et balkaniques. […]

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