La Grande Guerre dans l’oeuvre de Proust

Marcel Proust voit le jour le 10 juillet 1871, à Auteuil, dans une famille bourgeoise cultivée, dont le père Adrien Proust, brillant médecin et professeur de Faculté, fait partie de l’Académie de médecine. Élève du lycée Condorcet, Marcel, bachelier en juillet 1889, rencontre déjà des auteurs connus et découvre les salons littéraires. Âgé de 18 ans il se porte volontaire (en novembre 1889), pour effectuer son service militaire, ce qui lui permet de ne passer qu’une année sous les drapeaux au lieu de trois ans comme le veut la loi nouvellement votée.
Patrice Warin, Diplômé de l’École du Louvre, ethnographe

Ses obligations militaires achevées, il entame des études de droit et de sciences politiques, tout en fréquentant les salons mondains, rédigeant des chroniques journalistiques et écrivant dans d’éphémères revues. Sa carrière littéraire, bien amorcée, lui fait découvrir un monde nouveau où camaraderie, amours souvent contrariées, fréquentations diverses vont nourrir sa prose et lui fournir des modèles composites pour ses textes à venir. Des centaines de chercheurs se sont penchés sur le travail de Marcel Proust, pour en étudier, sous des angles parfois inattendus, son style, ses personnages, ou ses inspirations et ses pensées les plus intimes. Son courrier, des milliers de missives collectées dans le monde entier, continue à être décrypté afin de le comparer aux événements cités dans ses oeuvres; de même, des fragments d’un roman commencé en 1895, jamais achevé, titré Jean Santeuil, ont été rassemblés pour être publiés en 1952 seulement!

C’est dans À la recherche du temps perdu que le lecteur curieux peut découvrir la Grande Guerre telle que Proust a voulu la décrire, dans le dernier volume intitulé Le temps retrouvé paru en 1927, cinq années après la mort de l’auteur. La partie consacrée au conflit représente une centaine de pages dans une édition qui, pour la totalité de l’ouvrage, en comporte 2 400. Proust, n’agissant pas en historien, utilise des faits destinés à étayer le caractère de ses personnages confrontés aux événements venus troubler leur vie quotidienne, dans des situations parfois étonnantes sinon révoltantes. Toute l’histoire est rapportée par «le narrateur», en fait Proust lui-même, témoin des agissements de groupes sociaux particuliers ou de personnages plutôt singuliers. Lieux et événements, existants, rêvés ou réinventés, obligent le lecteur à garder une attention constante car l’auteur, reprenant sans cesse son ouvrage, a déplacé chapitres et paragraphes, créant des lieux imaginaires bien qu’en partie réels, sans grand souci de chronologie ou de totale vraisemblance dans le récit. […]