La Grande Guerre des ours

L’ours en peluche est une création récente en 1914 mais déjà bien implantée. L’ours incarne l’ancêtre, la nature et l’imaginaire ce qui explique que la peluche soit un succès. Comme les autres jouets, il est mobilisé symboliquement dans la Grande Guerre et celle-ci affecte directement son essor.
Frédérick Hadley, Attaché de conservation, Historial de la Grande Guerre

Depuis plus de 30 000 ans, l’ours occupe une place particulière dans l’imaginaire des hommes. Le plus gros animal d’Europe représente un lien entre les mondes humain, animal et divin. Attribut de la déesse Artémis, il est longtemps le premier roi des animaux du fait de sa proximité avec l’homme et de son réputation d’invincibilité. Animal des rois, il donne leur prestige aux ménageries royales. Au combat, les Berserkers nordiques se parent d’une chemise d’ours afin d’entrer dans une rage folle et devenir invulnérables.

Les efforts de l’Église médiévale pour éradiquer les cultes ursins s’inscrivent dans une lutte contre les rites païens. Ainsi, l’ours est présenté comme une bête de cirque pataude à qui on fait faire des tours. Les montreurs d’ours depuis l’époque féodale se répandent dans les régions où l’ours a disparu. Ces nomades peu valorisés viennent souvent de Roumanie. Pendant la Grande Guerre, nombre de soldats allemands se font photographier de manière presque ethnologique avec ces ours apprivoisés. En France, l’ours de l’Ariège, considéré comme portant bonheur à celui qui le touche disparaît peu après 1918. Comme le cheval qui perd son caractère guerrier pour devenir un jouet pour les petites filles, le changement de statut de l’ours vers un animal respectable et doux est donc récent. À la fin du XIXe siècle, l’animal est très présent dans les illustrations, les livres d’enfant et comme automate.

Une double naissance
L’ours en peluche naît à la fois en Allemagne et aux États-Unis. Selon la légende américaine, le président Theodore Roosevelt aurait refusé en novembre 1902 de tirer sur un ourson capturé et aurait déclaré : « Si je tue cet ourson, je ne pourrai plus jamais regarder mes enfants en face ». Cet épisode inspire Morris et Rose Mitchom qui produisent un ours en peluche. Prénommé Teddy’s bear (l’ours de Teddy, d’après le surnom du Président), il est l’un des succès des fêtes de fin d’année. Les Mitchom fondent l’entreprise Ideal Novelty & Toy Co. mais, mal protégés par des brevets, ils sont vite contraints de vendre. Pourtant, dès 1907, teddy bear est devenu le nom commun désignant tout ours en peluche. […]

Retrouvez l’intégralité de l’article dans le n°63 en vente en ligne sur boutique.soteca-editions.fr.