Le vin à Versailles

« À boire pour le roi ! » C’est à ce cri, lancé par le gentilhomme servant faisant office d’échanson, que se mettait en place le rituel du service de la boisson lors du Grand Couvert. Le vin et l’eau du roi étaient alors portés cérémonieusement à la table du souverain. Après que l’on a vérifié que les carafes ne contenaient aucun poison, le souverain se servait luimême, buvait puis rendait son verre, pour que l’ensemble fût rapporté au buffet préparé à cet effet. Pour faire suite à l’article de Mathieu da Vinha « À la table du roi » (voir no 3), nous proposons d’apporter des réponses à quelques questions autour du vin à Versailles. L’idée principale est de savoir quels vins buvaient les rois et la cour. Mais auparavant, nous examinerons comment ils étaient achetés, qui en était chargé, où ils étaient stockés et à quels moments de la journée le roi pouvait s’en désaltérer.
Par Alexandre Loire, Historien

L’achat du vin de la cour est sous la responsabilité du grand maître de France. Charge la plus prestigieuse de la Maison civile du roi, elle est, à Versailles, dévolue aux princes de Condé. Ils détiennent, notamment, la haute main sur « la Bouche », département qui s’occupe des tables des princes et de leurs commensaux.

L’approvisionnement
Pour acheter le vin, comme pour le reste, le grand maître passe contrat devant notaire. Dans ce document, on définit les quantités à fournir, à un prix prédéterminé selon le type de produit attendu, depuis celui destiné au roi jusqu’au vin du commun. Le marchand de vin « fournira de tout le vin blanc, et cléret et rouge qu’il conviendra pour la bouche du roy, et celle de la maison et train de Sa Majesté à quelque quantité que cela puisse se monter […] en tous lieux et endroits où Sa Majesté ira et séjournera […] moyennant trois cent vingt livres le muid de vin de table, et cent vingt-cinq livres le muid de vin de commun […] le dit vin du meilleur cru qu’il pourra trouver pour la bouche et pour le vin du commun, bon loyal et marchand. » (1) Un muid de Paris vaut alors deux cent soixante-dix litres environ.

Les fournisseurs ne sont pas des marchands ordinaires : il s’agit des « marchands de vin privilégiés suivant la cour ». Une déclaration de François Ier du 19 mars 1543 avait organisé tous les métiers suivant la cour. Elle avait été, pour les marchands de vin, confirmée par des déclarations ou des lettres patentes d’Henri IV, de Louis XIII et de Louis XIV. Ces commerçants privilégiés suivant la cour comprennent douze marchands de vin en gros et en détail (« la Cave des douze » ou, en abrégé, les Douze) et vingt-cinq marchands cabaretiers. Ces nombres ont pu varier en fonction des besoins puisqu’en 1683, l’État de France compte vingt marchands de vin en gros et en détail et quatorze cabaretiers (2). Ce sont eux qui doivent acheter, pour le compte de la Bouche, les vins qui seront servis à la table du roi et de ses officiers.

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