Les chirurgiens du roi

Une extraordinaire proximité a existé entre les trois derniers monarques « versaillais » et leurs chirurgiens, dont deux résidèrent à Bièvres. Ces “mousquetaires du bistouri” furent, eux aussi, quatre : Charles-François Félix, Georges Mareschal, François Gigot de Lapeyronie et Germain Pichault de La Martinière. Cete brève fresque historique rappelle comment ces ci-devant barbiers ont conquis la confiance des monarques et sont devenus, ce que leurs successeurs ont toujours la fierté d’être, des « docteurs en chirurgie ».
Par Ronald Virag, Chirurgien membre titulaire de l’Académie nationale de Chirurgie

Depuis le mois de février 1686, Louis XIV souffrait d’un mal mystérieux. On parlait d’une tumeur à la cuisse. En fait, il s’agissait d’une fistule anale que son premier médecin, Antoine Daquin, s’échinait à traiter. Plutôt mal, puisque l’abcès perça au bout de quinze jours mais ne cicatrisait pas. Il résistait aux onguents les plus divers. Seule la chirurgie pouvait le guérir définitivement. Le roi, qui, à cette époque, ne tenait pas les chirurgiens en grande estime, répugnait à se faire opérer.

La grande opération du 18 novembre 1686

Il se résolut à l’intervention qui fut programmée à l’automne, dans le plus grand secret. Or, Charles-François Félix (1635- 1703) son premier chirurgien en titre ne l’avait encore jamais pratiquée ! Qu’à cela ne tienne, on sacrifierait quelques pauvres Versaillais. Félix conçut un bistouri en argent à lame courbe et souple (nommé depuis « bistouri à la royale ») et un écarteur spécial, conservés au musée de l’histoire de la Médecine. Le roi fut opéré dans sa chambre. Les seuls spectateurs, en dehors des médecins Daquin, Fagon et Bénières et de quatre apothicaires chargés de maîtriser l’opéré, furent son confesseur, le père de La Chaise, madame de Maintenon et Louvois. Félix réalisa deux incisions avec le fameux bistouri, et huit sections avec des ciseaux. Le rapport opératoire note que le « Roi jamais ne tressaillit ». Il fut saigné une heure plus tard. Il souffrait, certes, mais voulut absolument tenir conseil le soir même et reçut des ambassadeurs le lendemain. Félix dut cependant procéder à des « retouches » jusqu’au début de janvier 1687 pour que le roi guérisse et puisse remonter à cheval.

Dès lors, l’opération fut considérée comme un véritable succès ; une trentaine de courtisans demandèrent même à la subir ! Couvert de cadeaux et d’argent, Félix reçut la terre des Moulineaux et fut anobli. Il pria alors le roi d’organiser un enseignement spécifique de la chirurgie pour séparer définitivement « l’art de barberie et de chirurgie ». Il resta premier chirurgien en titre jusqu’à sa mort en 1703, mais on dit que la tension due à l’intervention fut telle qu’il renonça ensuite à opérer. C’est ainsi qu’il fit appel, en 1696, à Georges Mareschal, lorsque le roi fut atteint d’un très volumineux anthrax à la nuque. […]

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