Les secrets de la pose

Sous l’Ancien Régime, seul un nombre limité d’individus avait accès au portrait. Ceci dépendait à la fois de l’accueil que les portraitistes réservaient aux clients dépourvus de sang princier et de notabilité mais aussi des capacités financières de ceux-ci. Après la Révolution, et notamment suite à l’invention de la photographie et à la création des studios de portrait photographique, à commencer par celui d’Antoine Claudet (1797-1867) à Londres en 1841, davantage de personnes ont pu jouir de leur droit au portrait. À titre d’exemple, en juin 1866, « Le Moniteur de la Photographie » a publié le chiffre de « deux millions » pour faire l’état de la production « mensuelle » de portraits dans la ville de Paris.
Par Shabahang Kowsar, docteur en Littérature comparée, spécialiste en histoire de la photographie

Tous les Français n’étaient pas encore considérés comme « portraiturables », tout d’abord à cause des oppositions de certains critiques fidèles aux traditions, et ensuite en raison de leur situation financière. Bien que le coût d’un portrait photographique ait été moins élevé que celui d’un portrait peint, au milieu du XIXe siècle il fallait dépenser entre « cinquante [et] cent francs »  pour obtenir une seule épreuve positive en noir et blanc. Un tel prix nous semble difficilement accessible pour un travailleur qui gagnait entre deux et cinq francs contre une longue journée de travail de plus de dix heures. Il faut encore attendre plusieurs années pour que le portrait devienne véritablement accessible à tous. De ce fait, nous appellerons « portraiturable » tout individu capable de s’offrir les services d’un portraitiste. Dans les années 1850-1860, le portrait-carte de visite augmente justement ce nombre de « portraiturables » ! En 1856, Julie Bonaparte (1832-1901) note ainsi dans ses Mémoires : « […] La mode [est] de faire faire son portrait en photographie en petit format très commode pour donner à ses amis et pour avoir constamment leur image sous la main. » Cette mode dont parle la princesse a en effet concouru à la démocratisation du portrait.

Le 27 novembre 1854, André Adolphe Eugène Disdéri qui s’est déjà affirmé en tant que photographe dépose le brevet du « portrait-carte de visite ». Dans le Catalogue des brevets d’invention pris du 1er janvier au 31 décembre 1854, nous pouvons lire la mention suivante concernant le travail de Disdéri : « Perfectionnement en photographie, notamment appliqués aux cartes de visites, portraits, monuments, etc. B[revet] de 15 ans, pris le 27 novembre 1854, par Disdéri, photographe, à Paris, boulevard des Italiens, n. 8. »(…)

Retrouvez l’intégralité de l’article dans le n° 35 en vente en ligne sur boutique.soteca-editions.fr.