Louis-Joseph-Xavier-François : un dauphin oublié jusque dans la mort

Deuxième enfant de Louis XVI et de Marie-Antoinette, né près de trois ans après sa grande soeur Madame Royale, Louis-Joseph-Xavier-François devient, de par sa naissance en octobre 1781, l’héritier au trône de France. Ardemment attendu après onze années de mariage, cet enfant, de santé fragile, ne vivra que sept ans et demi pour s’éteindre en juin 1789, à l’aube de la Révolution française. Un décès qui passera presque inaperçu, tout comme sera oubliée dans les années suivantes la courte existence de ce jeune dauphin qui fit montre d’une grande maturité et d’un non moins grand courage face à la maladie.
Par Mathieu Geagea, Historien, directeur général du Mémorial Charles de Gaulle

L’année 1781 marque, dans une certaine mesure, celle de l’apogée du règne du roi Louis XVI, commencé sept années auparavant. Bien que la situation économique se dégrade, l’intervention du roi dans la guerre d’Indépendance des États-Unis maintient le rayonnement de la France en Amérique comme en Europe et est couronnée par la victoire des Insurgents sur les Anglais à Yorktown. En outre, la modernisation de la marine française, menée par Louis XVI depuis le début de son règne, conduit la France à se trouver dotée d’une flotte d’un tel niveau de puissance qu’elle peut rivaliser avec celle de l’Angleterre.

Cependant, la question de l’avenir de la dynastie n’est pas sans susciter des interrogations au sein de la cour de Versailles en particulier et du peuple en général. Le roi Louis XVI, bientôt âgé de vingt-sept ans, et son épouse, la reine Marie-Antoinette, d’un an sa cadette, sont mariés depuis plus de onze ans. De cette union, seule une fille a vu le jour, après plus de huit années d’expectative, Marie-Thérèse-Charlotte, surnommée «Madame Royale». Tant qu’un héritier ne viendra pas au monde, le comte de Provence, frère cadet du roi, se prépare à l’idée de monter un jour sur le trône. Mais, en ces premiers mois de l’année 1781, l’annonce d’une nouvelle grossesse de la reine Marie-Antoinette, trois ans après la précédente, conforte le couple royal qui ne vit plus que dans l’attente de donner un dauphin à la France.

Une naissance ardemment désirée
Dans sa grande majorité, la cour ne croyait plus à l’éventualité d’une nouvelle grossesse de la reine. Les problèmes que rencontrait le roi dans l’accomplissement de ses devoirs conjugaux, ainsi que les difficultés lors du premier accouchement de la reine laissaient à penser aux courtisans que Madame Royale resterait enfant unique. Même si un siècle plus tôt le futur Louis XIV s’était fait désirer pendant plus de vingt-trois ans avant de voir le jour, il semblait presque acquis que, le moment venu, le successeur de Louis XVI serait son frère.

Le 22 octobre 1781, c’est cette fois-ci un garçon que Marie-Antoinette met au monde. Comme le veut l’usage, l’accouchement a lieu en public dans la chambre de la Reine, dans un lit dressé en face de la cheminée. Le rapport de Louis XVI donne scrupuleusement tous les détails de cette couche : «La reine a très bien passé la nuit du 21 au 22 octobre, elle sentit quelques petites douleurs en s’éveillant qui ne l’empêchèrent pas de se baigner; elle en sentit à deux heures et demi; les douleurs étaient médiocres. […] Entre midi et midi et demi, les douleurs augmentèrent, elle se mit sur son lit de travail, et à une heure et un quart juste à ma montre, elle est accouchée très heureusement d’un garçon.»

Après avoir admiré le nouveau-né, le souverain, bouleversé, se penche vers la reine pour lui glisser : «Madame, vous avez comblé mes voeux et ceux de la France. Vous êtes mère d’un dauphin.» La joie du roi est telle qu’il pleure et serre toutes les mains qui se tendent vers lui. Un bonheur incroyable se répand dans la chambre, et dans tout Versailles, Paris et la France. Pour le couple royal, cette naissance a un goût de revanche. D’un côté, Louis XVI fait ainsi définitivement taire les rumeurs circulant sur son hypothétique impuissance, tandis que Marie- Antoinette devient inattaquable, dans la mesure où elle a accompli le premier de ses devoirs : donner un futur souverain au royaume. Dans les minutes qui suivent l’accouchement, le roi, tout à son bonheur, signe les lettres aux autres souverains d’Europe annonçant l’heureux événement. Et moins de deux heures après sa naissance, l’enfant est baptisé, avec pour prénoms Louis- Joseph-Xavier-François. […]

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