Paris, au coeur de la Révolution française

C’est à Paris que la Révolution prend tournure avant de devenir un événement national. Ses faits frappants ont pour cadre des sites inscrits dans la mémoire collective – la Bastille, le palais des Tuileries, le donjon du Temple –, des lieux métamorphosés par le temps, tels l’Hôtel de Ville, le Champ-de-Mars, la place de la Concorde, ainsi que des monuments pérennes – le Palais-Royal, l’Hôtel des Invalides, le Panthéon, la Conciergerie. L’évocation de ces lieux historiques met en lumière le rôle considérable, mais éphémère, de la municipalité et de la population parisiennes.
Par Dominique Leborgne

La capitale est ceinturée en 1785 par le mur des Fermiers généraux dont les cinquante-cinq barrières ont pour fonction de taxer les denrées importées dans Paris. Environ 600 000 habitants se répartissent sur 3 370 ha. Sur la rive gauche, le quartier Saint-Marcel, habité par des ouvriers (métiers du livre, tanneurs et teinturiers), contraste avec le faubourg Saint-Germain élu par la plupart des aristocrates. L’activité intellectuelle, née dans l’université séculaire, se propage autour de la Comédie-Française (actuel théâtre de l’Odéon), dans les cafés (Procope), les loges maçonniques et au club des Cordeliers. Sur la rive droite densément peuplée, le commerce prospère autour des Halles et à proximité du port principal ; les administrations siègent à l’Hôtel de Ville et au Palais de Justice, les artisans travaillent dans le faubourg Saint-Antoine. La population aisée gagne les faubourgs du nord-ouest – Roule, Saint-Honoré, Poissonnière et la Chaussée d’Antin.

Louis XVI, qui règne depuis 1774, réside au château de Versailles. Homme intelligent et cultivé, il se passionne pour les sciences, la marine et l’indépendance américaine. Toutefois, son caractère versatile, voire dépressif après 1787, ses excès de scrupules et son inertie devant l’événement l’empêchent de fonder la monarchie constitutionnelle que souhaitent la bourgeoisie et une partie de la noblesse. Le roi projette de lever un impôt foncier général en vue de résoudre la grave crise financière due à l’accroissement de la dette. Les nobles ayant fait échouer cette réforme, il est contraint de convoquer les États généraux dans des circonstances défavorables : la sécheresse du printemps 1788 et un orage dévastateur en juillet entraînent une récolte de céréales déficitaire. L’hiver rigoureux – moins 22,3°C en décembre, quatre-vingt-six jours de gel dont cinquante-six pour la Seine avec interruption de la navigation – occasionne la raréfaction des marchandises, l’augmentation des prix et la disette. Ce climat calamiteux provoque de fortes tensions sociales.

La situation insurrectionnelle

Environ 42 000 personnes, en majorité des artisans – fabricants de meubles, de papiers, maçons, charpentiers, forgerons et tanneurs –, compagnons, marchands et chômeurs vivent dans le faubourg Saint-Antoine (11e et 12e). Leurs conditions d’existence empirent en raison de la cherté des denrées et de la ruine des entreprises motivée par la concurrence des produits anglais. Les élections sont organisées les 20 et 21 avril dans une atmosphère enfiévrée par des milliers de pamphlets et des journaux. La rumeur fausse, selon laquelle le manufacturier de papier-peint Réveillon et le fabricant de salpêtre Henriot veulent réduire le salaire des ouvriers, se répand. Les 27 et 28 avril, des insurgés vandalisent les maisons d’Henriot et de Réveillon au cours d’une émeute que les gardes-françaises répriment, tuant vingt-cinq personnes. Le renvoi du ministre Necker le 11 juillet, interprété comme un refus des réformes, mécontente la population qui se rassemble au Palais-Royal. Hostile à Louis XVI, Philippe Égalité y accueille les révolutionnaires, tel Camille Desmoulins qui, le 12 juillet, appelle les Parisiens à prendre les armes. […]

  Retrouvez l’intégralité de l’article dans le n°14 en vente en ligne sur boutique.soteca-editions.fr.