Paris de ma fenêtre : Charles Dumont

Une « légende » de la chanson française nous reçoit chez lui, très bel immeuble datant du XVIIIe siècle situé rue de l’Odéon, dans le 6e arrondissement. Il a travaillé avec les plus grands paroliers, les plus belles voix, dont Édith Piaf ou Dalida, et c’est pourtant en toute simplicité et avec bienveillance qu’il accepte de se livrer sur ce Paris qu’il aime par-dessus tout.
Par Emmanuelle Papot

Né le 26 mars 1929 à Cahors, Charles Dumont reste l’un des plus grands compositeurs de la chanson française, avec soixante ans de carrière à son actif. Il a ainsi composé, souvent en collaboration avec son parolier Michel Vaucaire, pour Édith Piaf (Non je ne regrette rien, Mon Dieu, Les Flonflons du bal…), mais aussi pour Sydney Béchet (Pourtant), Cora Vaucaire (L’amour a fait le reste), Gloria Lasso (Tu n’as jamais le temps), Dalida (Gitane), Juliette Gréco (Le torrent et l’amour), Mireille Mathieu (Les gens qui s’aiment), Barbra Streisand (I’ve been here)… Compositeur certes, mais aussi chanteur, il a lui-même interprété, en duo avec Piaf, la très belle chanson Les amants et, toujours en activité, n’a jamais cessé d’enchanter Paris, jusqu’au mois d’octobre dernier avec quatre récitals dédiés à la Môme, à l’Espace Cardin.

Pour le rencontrer, nous passons une grande porte, traversons une petite courette et empruntons un grand escalier dont se dégage une belle atmosphère empreinte d’histoire. « C’est ici, dans cet appartement situé dans cet immeuble révolutionnaire où vécut Camille Desmoulins, que j’ai écrit Non je ne regrette rien. Je venais juste d’emménager et je me trouvais totalement fauché. Je n’avais plus que mon piano. La musique de cette chanson traduit, je crois, cette ambiance révolutionnaire… On le ressent très bien lorsqu’on écoute Édith Piaf. Pour ma part, bien qu’en colère, je n’ai… jamais regretté mon choix de venir m’installer sans le sou dans ce merveilleux quartier de l’Odéon. »

Un rêve de gosse
Comment est-il arrivé à Paris ? « Je faisais l’apprentissage de la trompette au conservatoire de Toulouse. Mon professeur nous disait alors que pour maîtriser vraiment la technique de cet instrument, il nous faudrait nous rendre à Paris. Comme c’était la guerre – nous étions en 1942 ou 1943 –, mon père qui servait de relais pour les informations de la Résistance me dit un jour : “Il faut que tu ailles à Cahors.” J’y avais alors un cousin, Georges, qui était maquisard, et je devais lui remettre une lettre à la gare. À quatorze ans, je me suis donc rendu seul dans la préfecture du Lot, muni d’un billet aller-retour de Toulouse. Je retrouve Georges et lui remets la lettre. Je retourne ensuite sur le quai et – allez savoir ce qui se passe dans la tête d’un gamin de quatorze ans – je décide de monter dans un train en direction de Paris. Je n’ai alors aucun billet, aucun papier et je m’apprête à passer en zone occupée. Lorsque j’arrive à Vierzon, sur la ligne de démarcation, monte un groupe d’officiers allemands qui demandent les papiers. Moi, totalement inconscient, je me lève, sans me démonter, et de ma place traverse le couloir, passe sans aucun problème devant les gendarmes qui ne me demandent rien et me rends jusqu’aux toilettes. Dieu seul sait ce qui me serait arrivé s’ils m’avaient arrêté… J’arrive donc à Paris par miracle à la gare d’Austerlitz. Là, je décide de me rendre chez une tante de mon père que je ne connaissais pas mais dont j’avais très souvent entendu parler. » […]

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