Vauban s’invite dans la Grande Guerre

En 1914, peu de places fortes sont encore actives en France le long de la frontière belge. La plupart ont été déclassées et parfois démantelées à la fin du XIXe siècle. Cependant, quelques forts détachés sur la Scarpe, sur l’Escaut, aux débouchés du Luxembourg et des Ardennes belges (Charlemont par exemple) et quelques places (Dunkerque, Lille, Maubeuge, Montmédy) ont été maintenues. Parfois héritées du Moyen Âge, revalorisées ou construites sous l’Ancien-Régime, la plupart de ces défenses portent la marque de Vauban. Le maréchal de Louis XIV a largement contribué à aménager cet espace, difficile à défendre.

Au début du XXe siècle, ces défenses sont obsolètes. Pourtant, à partir de 1914 et jusqu’en 1918, ces places et forts se retrouvent en première ligne à plusieurs reprises.

Les fortifications Vauban avant 1914 : état des lieux
À la veille de la Première Guerre mondiale, la frontière fortifiée et la défense en profondeur du siècle de Louis XIV n’existent plus. Les grandes places fortes héritées de Vauban ont été soit déclassées, soit démolies entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. Les raisons sont d’abord stratégiques : en effet, de nombreuses places sont trop éloignées des frontières et l’état-major estime qu’elles ne sont plus utiles pour une armée qui doit vaincre rapidement par l’offensive. Les raisons de cet abandon sont également militaires et techniques. Au XIXe siècle, les remparts ont perdu tout leur intérêt défensif. L’issue des guerres se joue davantage sur les champs de bataille. Les sièges comme ceux de Saragosse (1808 et 1809), de Sébastopol (1854-1855), de Belfort (1870- 1871) deviennent des exceptions et sont rarement décisifs. De plus, à la fin du XIXe siècle, l’apparition des canons rayés, plus puissants, plus précis et l’invention de l’obus à mélinite et de l’obus-torpille provoquent l’inadaptation au combat moderne des villes fortifiées héritées de Vauban. Enfin, pour des raisons financières, il n’est pas envisageable de revaloriser les fortifications, souvent en très mauvais état. Par conséquent, l’immense barrière fortifiée érigée par Vauban est progressivement abandonnée par l’armée et remise aux villes. Ces dernières préfèrent détruire leurs remparts, en raison des enjeux économiques de la fin du siècle. L’essor industriel, l’arrivée du train en ville et la croissance urbaine conduisent à un réaménagement du tissu urbain. Les portes sont rasées, les fossés comblés et les remparts démolis. Ainsi de 1892 à 1898, le démantèlement des fortifications à Cambrai transforme profondément la ville : il permet de nouveaux aménagements (les boulevards, les constructions de logements, les jardins publics) et l’intégration des faubourgs à la ville. Seules quelques tours et portes ont parfois échappé à la destruction. Pourtant, à la veille de la guerre, quelques villes ont conservé leurs remparts. Au début du XXe siècle, les partisans du maintien des fortifications estiment que ces défenses rappellent les souvenirs des guerres de Louis XIV, de 1792, de 1814 et de 1870 pour les populations des frontières.

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