Mme de Staël juge Napoléon

On sait combien la vie de Mme de Staël fut liée aux événements de la Révolution, du Consulat et de l’Empire. Son rapport au Consul puis à l’Empereur, son analyse politique et historique nourrissent une grande partie de son oeuvre, même quand Napoléon n’apparaît pas en tant que tel. Ainsi, dans son roman Corinne ou l’Italie, publié en 1807, la figure du comte d’Erfeuil peut être lue comme une représentation décalée de l’idéologie napoléonienne. En effet, il incarne une tentation d’unification des esprits diamétralement opposée à la conception staëlienne : faire de l’imitation « le mode par excellence de la communication intellectuelle ». Il prône l’hégémonie du goût français, sur lequel tout devrait se régler. En somme, il représente une application du système napoléonien en même temps qu’une caricature des positions idéologistes sur l’ère française : l’Empire ou la répétition parodique de l’Ancien Régime. Quant à l’héroïne, femme indépendante, femme de génie, écrivain libre, elle célèbre un peuple, une nation, une histoire, mais elle ne loue pas de chef, encore moins de tyran. Corinne est aux antipodes de tant de poètes impériaux, si prompts à produire des pièces de circonstances ou de commande. C’est dans son ouvrage posthume, les Considérations sur la Révolution française, souvent cité comme l’un des textes fondateurs de l’historiographie libérale de la Révolution, combinant souvenirs personnels, narration historique, réflexion politique, défense de Necker et apologie de l’Angleterre, que l’on trouve le portrait de Napoléon et l’analyse de l’Empire les plus révélateurs de la pensée staëlienne (…)

Par Gérard Gengembre / professeur émérite de littérature française à l’université de Caen

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